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Les SIC, une inter-discipline en construction permanente pour comprendre les enjeux de société.

  • Photo du rédacteur: Christian De Moor
    Christian De Moor
  • 23 déc. 2022
  • 5 min de lecture

La communication est vue tantôt, de manière idyllique, comme une façon pour les humains de construire une relation équilibrée, substrat de compréhension et d’entente mutuelle, et tantôt, de manière désabusée, comme un outil hégémonique d’oppression des masses visant à asservir l’humain au service du discours dominant et d’intérêts économiques peu reluisants.L’information quant à elle est analysée par une partie du grand public comme un média de connaissance de l’actualité et donc de la marche du monde et par une autre partie comme un outil de domination au service des classes dirigeants. Dans sa définition la plus large, la communication est une relation qui permet la construction de liens sociaux permettant eux-mêmes de construire un monde commun tendant à l’équilibre. L’objet des SIC n’est pas de comprendre les outils de communication mais la communication en tant que telle et de proposer une vision critique de la communication humaine au prisme de différentes grilles d’analyse telles que la symbolique, la politique ou l’économie. Loin d’une approche militante, la nature même des SIC est de rendre compte des enjeux sociaux, culturels et économiques de la communication (Dacheux 2019).


Une histoire en phase avec l’évolution de la société

Les SIC obtiennent officiellement leur reconnaissance comme domaine d'enseignement en tant que tel par leur inscription sous le numéro de section 52 par le Comité Consultatif des Universités en 1975 (Couzinet 2003). Cet inscription en tant que discipline aux racines littéraires, fait suite à la création du Comité français pour les Sciences de l’Information et de la Communication le 27 février 1972 et se fait parallèlement à la création des Société des SIC puis de la Société Française des Sciences de l’Information et de la Communication (SFSIC) (Tétu 2002). Si les premiers doctorats intitulés SIC ont vu le jour en 1973, la discipline ne se verra définitivement reconnue comme discipline à part entière qu’à partir de la circulaire du 16 février 1983 qui institutionnalise les SIC à la 71e section (Couzinet 2003) du nouvellement créé Conseil National des universités. A cette époque et pendant quelques années encore, les SIC se cherchent une identité voire un nom. Communicologie, au début des années 1980 ; médiologie au début des années 1990 et un peu plus tard médialogie s’avèrent impuissants à décrire en un seul mot la variété des champs de recherche des SIC dont l’énumération demeure d’une grande plasticité et ne cesse d’évoluer vers un nombre toujours croissant d’objets d’études.


Une définition complexe

Les SIC sont une discipline transversale, qui plus est en construction, et à ce titre tenter de les définir en une phrase simple relève de la gageure. Eric Dacheux propose néanmoins de définir les SIC comme des sciences qui ont pour objet de comprendre non pas « les » outils de communications, mais « la » communication et que, de ce fait, elles ont pour mission de restituer toutes les dimensions (symboliques, politiques, économiques) d’une communication humaine qui, au niveau des individus comme à celui de la société, est ontologiquement ambivalente. » (Dacheux, 2019). Il s’empresse d’ajouter que cette définition, bien que nécessaire, est forcément incomplète et ce, pour deux raisons au moins. D’une part, il indique que les SIC ne constituent pas la seule discipline à s’intéresser à la communication mais que des disciplines telles que la philosophie, la sociologie et la psychosociologie l’étudient également. D’autre part, les SIC n’étudient pas la communication pour elle-même mais sa place dans des champs aussi variés que la politique, l’organisation ou la science. Il en déduit qu’il faut donc compléter cette définition l’idée qu’elle se caractérisent par la volonté de penser ensemble « information et communication » et par le désir de travailler en interdisciplinarité.

Des champs d’études multiples

Selon le CNU (Conseil National des Universités), les SIC recouvrent principalement (Dacheux 2019):

  • Les études sur les notions d’information et de communication, sur leurs relations, sur la nature des phénomènes et des pratiques ainsi désignés, de même que les différentes approches scientifiques qui s’y appliquent.

  • L’étude, d’une part, des processus, des productions et des usages de l’information et de la communication, d’autre part, de la conception et de la réception de celles-ci. Ainsi que l’étude des processus de médiation et de médiatisation.

  • L’étude des acteurs, individuels et institutionnels, de l’information et de la communication, l’étude des professionnels (dont notamment les journalistes) et de leurs pratiques.

  • L’étude de l’information, de son contenu, de ses systèmes sous l’angle des représentations, des significations ou des pratiques associées.

  • L’étude des médias de communication et des industries culturelles sous leurs divers aspects

De son côté, la Conférence permanente des directeur·ice·s d’unités de recherche en sciences de l’information et de la communication (CPDirSic) a proposé une liste des domaines d’intervention des SIC (CPDIRSIC 2018) sur la base d’enquêtes menées auprès de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (aéres), du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (hcéres) et des informations collectées sur les sites des unités de recherche. Cette liste comprend dix domaines, chacun décrivant lui-même, souvent, un univers composite :

  • médias et journalisme

  • images, cinéma, médias audiovisuels et industries culturelles

  • communication publique et politique

  • communications et organisations

  • médiations mémorielles, culturelles et patrimoniales

  • le numérique : stratégies, dispositifs et usages

  • informations, documents et écritures

  • design

  • organisation des connaissances

  • médiation des savoirs, éducation et formation

Une méthodologie fortement teintée d’interdisciplinarité

La transversalité des enseignements caractérisant les nouvelles orientations de l’enseignement aussi bien dans le cadre de l’enseignement primaire et secondaire que de l’enseignement universitaire est, comme nous l’avons indiqué plus haut, une caractéristique ontologique des SIC. Cette interdisciplinarité constitutive de l’ADN des SIC implique de développer une méthodologie spécifique s ‘appuyant sur les deux branches de son nom. Information et communication ne sont guère associés au sein d’une même (inter)discipline que dans l’espace académique francophone alors que le monde anglo-saxon distingue information science et communication studies. En fonction des auteurs francophones, communication et information sont proposés soit comme l’un le contenant et l’autre le contenu, soit comme étant deux entités indépendantes, symétriques, antagonistes ou complémentaires mais dans tous les cas apparaît prégnante l’idée selon laquelle l’hétérogénéité de l’objet exige des approches pluridisciplinaires. L'hétérogénéité des objets d’études et des théories convoquées se reflète d’ailleurs dans le choix du pluriel pour nommer ces sciences (Dacheux 2019). Tout travail de recherche en SIC doit commencer par la définition précise des concepts convoqués, afin de garantir une rigueur réflexive et échapper aux biais d’interprétation liés à une manipulation approximative de ces concepts. Ce prérequis pour autant qu’il soit incontournable quel que soit le domaine de recherche est encore plus fondamental dans le cas des SIC du fait de la variété des concepts mis à contribution.Les objets d’étude, abordés par l’étude de terrain à l’aide d’outils des outils d’analyse qualitatifs et quantitatifs constituent une étape indispensable de validation des hypothèses énoncées.

Les SIC (Sciences de l’information et de la communication) forment un champ de recherches qui est né et qui se nourrit de l’interdisciplinarité. L’apparition de nouveaux médias au cours du XXe siècle et les nouveaux enjeux qu’ils ont induits et accompagnés ont conduit à la construction de cet espace de recherches destiné à proposer des réponses à des questionnements auxquels les disciplines autonomes existantes ne permettaient pas de répondre. A l’instar des Cultural Studies, les SIC se caractérisent donc par une approche interdisciplinaire lui permettant de disposer d’un solide arsenal conceptuel pour analyser les évolutions du monde contemporain, sur le terrain de la culture, des médias ou de la communication politique. C’est un domaine de recherches toujours en cours de construction et dont la définition elle-même ne fait pas consensus y compris dans le monde francophone. Toute science en construction qu’elle soit, elle contribue néanmoins depuis des décennies à fournir des grilles d’analyse de l’état du monde et de ses nouveaux enjeux liés notamment aux bouleversements technologiques et sociétaux.


Sources


Couzinet Viviane, 2003, « Praticiens de l’information et chercheurs. Parcours, terrains et étayages », Documentaliste-Sciences de l’Information, 2003, vol. 40, no 2, p. 118‑125.


CPDIRSIC, 2018, Dynamiques des recherches en sciences de l’information et de la communication, s.l.


Dacheux Éric, 2019, « Présentation générale : Les SIC, approche spécifique d’une recherche en communication mondialisée » dans Les sciences de l’information et de la communication, Paris, CNRS Éditions (coll. « Les essentiels d’Hermès »), p. 9‑36.


Tétu Jean-François, 2002, « Sur les origines littéraires des sciences de l’information et de la communication », 2002, p. 71.

 
 
 

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